"Cette question et les réflexions qui suivent sont issues d’un constat effectué suite à différents travaux de recherche portant sur les personnes en errance : rares sont les fois où il y a conjugaison au féminin. On ne parle que de vagabond, de clochard, d’errant. D’où la question-titre : la précarité serait-elle asexuée ?
Femmes SDF, femmes sans abri, femmes en errance : qui sont-elles ? Il faut alors comprendre pourquoi le phénomène des femmes errantes apparaît moins spectaculaire que celui des hommes ou encore celui des jeunes. Il faut montrer comment s’exercent le genre et les rapports sociaux dans la construction du phénomène. Cela implique de revenir également sur l’errance, ce à quoi cette dernière renvoie.
L’errance représente aussi la déviance par rapport à une norme ou un idéal. Elle renvoie à un certain désordre et donc à un danger potentiel. Le verbe « errer » est daté du Ve siècle et signifie « aller çà et là ». Au XIIe siècle, par dérivation, le sens figuré d’errer s’officialise et l’errant devient synonyme d’erreur, de « se tromper ». Ainsi d’une errance physique ou d’une mobilité spatiale rationnelle, le sens évolue et aborde les rivages de la raison, de l’esprit et de l’âme. [...] ”
Livre sorti aux Édition Érès.